Article de Clémentine
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Le yoga, on en parle, on en débat. Chacun émet son point de vue et y met son grain de sel. Qui n’a jamais lorgné sur le tapis du voisin, jugeant sa pratique excentrique, atypique, trop axée sur le physique, pas assez statique ou trop en musique? Jusqu’à ce que parfois, dans le petit monde du yoga, la sentence tombe : NON-CONFORME À LA TRADITION. [Question sous-jacente : ce que fait le voisin, est-ce encore du Yoga?]
S’il est du yoga comme des autres arts, il est naturel qu’il ait, lui aussi, sa « querelle des Anciens et des Modernes ».
Les Modernes
Les Modernes sont fondamentalement des innovateurs. Ils favorisent une pratique adaptée aux besoins changeants d’une société en constante mutation, ce qui se traduit nécessairement par des formes nouvelles.
Pour les Modernes, peu importe que la forme change, si l’essence demeure. Un vent d’air frais souffle sur leurs tapis, souvent venu des États-Unis… Il n’hésitent pas à s’inspirer d’autres traditions pour enrichir leur pratique, allant jusqu’à créer des disciplines hybrides dont le nom laisse deviner l’inspiration. Les Modernes pratiquent rarement un yoga “tout court”… Vinyasa, Hatha Flow, Yin, le yoga se qualifie toujours!
Les Anciens
Les Anciens sont quant à eux les conservateurs de l’histoire : imitons les anciens, en tous points, car la légitimité du Yoga nait de son authenticité. Un cours, ça se donne en sanskrit. Un asana, cela se pratique assis. Un professeur, cela perpétue un enseignement, remontant si possible à la nuit des temps. Et bien sûr, on ne forme pas un professeur en quelques centaines d’heures: plusieurs dizaines d’années de discipulat sont nécessaires avant de commencer à y comprendre quelque chose.
Pour les Anciens, nul besoin d’épithète, le Yoga est, ou le Yoga n’est pas. Qu’on ne parle pas de ses vertus thérapeutiques ou cosmétiques, le Yoga est au-dessus de tout ça. Descendants spirituels des rishis védiques, des ascètes antiques et des gurus tantriques, les Anciens sont les gardiens de l’unique Tradition.
Cette querelle universelle se matérialise, dans les formes les plus extrêmes, par un certain mépris pour tout ce qui n’est pas “authentique”. Le yoga tel que les autres le pratiquent, encens et mantras à l’appui, est perçu comme un simulacre, un produit de consommation ne servant qu’à promouvoir des leggings et de l’ego.
Le yoga se discute.
Et parfois, les yogis se disputent.
(Mais toujours avec bienveillance et non-violence.)
Y a-t-il un vrai Yoga?
Bien sûr, cet article caricature. Nous avons sans doute tous nos côtés modernistes pour certaines choses, traditionalistes pour d’autres.
Cependant, excommunier une pratique sous prétexte qu’elle n’est pas authentique, c’est oublier la nature multiforme et changeante du yoga. La tradition indienne, tout comme le yoga contemporain, a été soumise à des forces historiques et sociétales radicales : elle a connu de nombreuses adaptations, mutations, fragmentations, réorientations.
La jeune science de l’histoire du yoga nous confirme qu’il est impossible de définir le yoga traditionnel, le vrai, l’unique, pour la simple et bonne raison qu’il n’a jamais existé. Les hommes et leurs besoins ont changé: la pratique aussi.
Les Modernes d’autrefois sont les Anciens d’aujourd’hui.
J’arrive au terme de cet article et il me faut apporter des éléments de réponse à la question lancée dans l’introduction. Qu’est-ce qui, dans le foisonnement de pratiques modernes, mérite de porter le nom de “yoga”?
Kenneth Liberman, dans son article “The reflexivity of the authenticity of Hatha yoga practice” identifie des critères clés.
Pratiquer un yoga, c’est …
1.Sortir de son égocentrisme
Une pratique qui a pour résultat de gonfler l’ego ne peut s’appeler “yoga”. Si la dévotion envers un guru, antidote à l’égocentrisme, n’est pas vraiment dans nos moeurs, rien ne nous empêche de pratiquer le karma yoga, service désintéressé, apprendre avec humilité, partager avec simplicité, ou pratiquer toute autre chose qui contribue à réduire l’égoïsme.
2.Apaiser les tensions nerveuses
Pour K. Liberman, les pratiques yogiques ont pour effet d’apaiser les tensions nerveuses, de manière à pouvoir expérimenter une façon plus simple d”’être”, véritable récompense spirituelle.
3.Cultiver la simplicité
De la simplicité nait le contentement. Pour l’auteur, nous n’avons pas besoin d’un tapis dernier cri pour pratiquer le yoga : nous avons besoin d’apprendre à puiser dans les ressources que nous avons déjà. Le yoga, c’est apprendre à regarder à l’intérieur de soi.
K. Liberman conclut de cette manière: ” Pratiquer le yoga, c’est cultiver ses propres énergies vitales afin de les atteler à cette tâche : évoluer”.
Le yoga peut-il s’adapter sans perdre son âme? Je le crois.
Chaque époque développe les yogas qu’elle mérite: à chacun de trouver celui qui lui convient… en lorgnant, ou non, sur le tapis du voisin !
“Le yoga est une affaire privée dont le siège réside en chacun de nous. Toute tentative de monopolisation reviendrait à vouloir endiguer l’eau du Gange au creux de sa main. Que le disciple pratique comme il l’entend, avec ou sans guide, le yoga ne s’en trouvera pas affecté. Les outragés sincères, ou ceux qui feignent de l’être, peuvent se rassurer : les réserves de prana défient la consommation.” Guide Marabout du Yoga, 1968
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